Le bon pasteur
1664
Jean-Baptiste de Champaigne
Insc. : Ni signé ni daté
Tech. : huile sur toile
Dims. : 150 x 92 cm
Inv. : 1962.1.003
Hist. : Commandé à Champaigne (Philippe ou Jean-Baptiste ?) par Renaud de Sévigné pour l’oratoire de son logis à Port-Royal de Paris ; transféré par lui à Port-Royal des Champs après 1669 et donnée à la communauté religieuse vers 1676 ; bas-côté sud de l’église abbatiale de Port-Royal des Champs, au-dessus de la porte des sacrements jusqu’en octobre 1709 ; transféré à Paris le 30 ou 31 octobre 1709 ; PV de visite de février 1793 : dans le réfectoire du monastère ; état du 11 Vendémiaire an III ; remis par Lenoir aux conservateurs du Museum central le 24 juillet 1793 ; envoyé à Dijon en 1801; réaffectation au musée des Granges de Port-Royal, 1962.
Exp. : 1957, Port-Royal, n°56 ; 1995, Port-Royal, n°24
Bibl. : Fouillou, 1711, p. 207-208 ; Nécrologe, 1723, p. 116 ; RUA, 1865, p. 83, n°180 et p. 156 ; AMMF, II, 1886, p. 51, n°44 et p. 72, n°44 ; Tuetey, 1902, p. 323 ; Guiffrey-Tuetey, 1909, p. 121, n°44 ; p. 224, n°44 ; p. 400, n° 385 ; Dorival, 1976, II, p. 58, n°93 (reprod., p. 416) ; Lély, 1991, p. 117, n°21 ; LELY, 1991, p.117, n°21 ; Luez, 2017-2, p. 205-214.
Une lettre de la mère Agnès à Renaud de Sévigné, oncle de la célèbre marquise, nous apprend que le chevalier a commandé un tableau sur le thème du Bon pasteur à Champaigne pour l'offrir au monastère de Port-Royal. Renaud de Sévigné ne semble apparaître dans la sphère de Port-Royal qu'à la fin de 1659 ou au début de 1660. Au printemps 1661, il se fit bâtir un logis aux portes de l'abbaye de Paris. La commande de cette oeuvre pourrait se situer vers 1662 ou 1663. La mère Agnès, alors abbesse de Port-Royal, trouvant le sujet "fort dévot", Renaud de Sévigné lui proposa d'en faire exécuter une seconde version.
On peut supposer que les deux œuvres furent exécutées simultanément. Mais le peintre tardait à remettre son ouvrage. Devant l'impatience de son pénitent, la mère Agnès lui écrivit, dans une lettre peut-être de février 1664 : « Pour ce qui est de votre tableau, vous me dispenserez, s'il vous plaît, si je ne fais écrire pour l'avoir le mercredi des Cendres, mais nous solliciterons que vous l'ayez le mercredi-saint, ou plutôt le mercredi de la Passion ; car il vous faut considérer, s'il vous plaît, que M. Champagne est pressé d'ailleurs, et qu'en cette saison la peinture ne sèche point. Je sais bien qu'il y a longtemps qu'il est commandé ; mais un pénitent ne doit pas vouloir être servi le premier, principalement quand il a fort aimé à être le maître. » On notera que la mère Agnès écrit "M. Champagne" sans préciser s'il s'agit de Philippe ou de son neveu Jean-Baptiste.
La version destinée à la communauté des religieuses de Paris semble avoir été placée sur l'autel de la chapelle sud pour les fêtes de Pâques 1664, qui fut célébré le 13 avril. Contraint d'abandonner son logis de Port-Royal de Paris après 1669, Renaud de Sévigné s'installa à Port-Royal des Champs et offrit sa version du Bon pasteur à la communauté des Champs par testament. Jacques Fouillou signale que le tableau aurait été accroché dans l'église abbatiale jusqu'en 1709. Il apparaît accroché sur le mur du réfectoire dans la gravure de Magdeleine Horthemels. Mais il peut s'agir d'une représentation allégorique, tendant à assimiler le repas des religieuses au "banquet de l'Agneau" du nouveau Testament.
Il existe deux versions de cette œuvre : celle conservée au musée des beaux-arts de Tours, et celle conservée au musée de Port-Royal des Champs. Dans sa monumentale étude consacrée à Philippe de Champaigne (Léonce Laget, 1976), Bernard Dorival considérait que la version présentée au musée de Port-Royal pouvait être l'originale. Philippe Le Leyzour et Claude Lesné, au moment de l'exposition Philippe de Champaigne et Port-Royal (1995) donnaient la préférence à la version exposée au musée des beaux-arts de Tours. Les deux versions sont extrêmement proches et ont pu être peintes à partir du même carton, soit simultanément, soit dans des périodes proches : mêmes dimensions, coloris identiques. La figure du Christ semble toutefois plaquée sur le décor sans réel accord avec la lumière générale de la composition. Ce bon Pasteur, comme celui du musée des beaux-arts de Tours, pourrait revenir à Jean-Baptiste de Champaigne.
Pour cette composition, Champaigne a pu s'inspirer de modèles flamands plus anciens, comme celle d'un bon pasteur gravé par Peter Brueghel l'ancien. Il fait ici la synthèse des deux versions de la parabole. Le visage rayonnant du Christ, sa posture fermement campée, suit la tradition des synoptiques : quand le pasteur retrouve la brebis égarée, il la met, tout joyeux sur ses épaules et rentre chez lui (Luc XV, 3-7 ; Matthieu, XVIII, 12-14). Le chemin couvert de ronces évoque celui de la passion et le texte plus développé de Jean : « le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis » (X, 1-11).
© Musée de Port-Royal des Champs